Datejust(s)

L’avantage de laisser reposer le blog pendant près de deux ans est que, lorsque je le reprends, je me rends compte que ce que j’avais écrit n’est plus vrai.

En effet, cet article, laissé en suspens à la fin de 2021, s'intitulait « Datejust : Désamour ». Or, ce n'est pas du tout le cas ! J'ai eu l’impression à un moment donné que, à force d'avoir ces montres entre les mains, je m'étais lassé. Mais finalement, je me suis surtout lassé des formes les plus banales. Ce type de modèle, si "commun", est victime de son succès. À force de voir 50 modèles de cadrans gris, blancs ou noirs sur acier, on oublie souvent qu'un modèle qui existe depuis soixante-dix-huit ans a tellement d'itérations qu'il y en a forcément une qui vous convient !

Avant tout, refaisons un bref historique des transformations majeures de ces pièces à travers le temps :

La Suisse et la guerre

En 1945, la Datejust a été ajoutée au catalogue Rolex pour célébrer les 40 ans de la marque à la couronne. Ce qui me fascine, c’est que le choix de cette date pour introduire un nouveau modèle entièrement en or en dit long sur l'état de la Suisse par rapport au reste de l'Europe géographique, tout juste libérée du joug fasciste nazi.

Point Godwin : check.

Petite anecdote : Cela fait de la Datejust le modèle encore en production le plus ancien. Elle est également la première montre au monde à intégrer une date qui change automatiquement à minuit sur un mouvement automatique. Aujourd'hui, cette complication est devenue une norme dans l'horlogerie.

Contrairement à la plupart des autres Rolex, la Datejust n'est pas conçue pour correspondre à un sport ou à un style de vie particulier. L'objectif était de créer une montre esthétique, polyvalente et classique.

La première référence était la 4467, disponible uniquement en or jaune 18K. Elle présentait déjà les prémices de la lunette cannelée emblématique du modèle montée sur un boîtier Oyster de 36 mm. Le motif cannelé de la lunette était discret mais présent, devenant ainsi la marque de fabrique de Rolex, bien que de manière plus discrète. Dès 1950, des versions Rolesor (or/acier) et acier ont été mises sur le marché sous les références 5030 et 5031. C'est également à cette époque que le nom "Datejust" a été appliqué sur le cadran.

réf. 5030

Avec la naissance de la Datejust, c'est également le début d'une autre icône Rolex : le bracelet “Jubilé”. Une anecdote amusante trouvée sur le net (sources en bas de l’article) : “Jubilé” aurait pu être le nom du modèle directement. Cela aurait été logique quand on considère que le modèle est inclus dans la gamme pour célébrer un jubilé de la marque.

Finalement, c'est le bracelet - iconique - qui portera ce nom. Il est toujours disponible en option pour le modèle, même s'il sera par la suite monté sur d'autres modèles tels que GMT, Sub, etc.

Quatre chiffres et pérennisation

Fin 1950, Rolex présente le calibre 1560, qui équipera les modèles référence 160X. C'est à cette époque également que le design se stabilise pour devenir définitivement le modèle que l'on connaît : "Datejust" est marqué sur le cadran, la date, les aiguilles, la lunette cannelée, les index et le verre avec le cyclope. Voilà les traits distinctifs qui définiront la Datejust telle que vous la visualisez dans votre esprit ou sur votre poignet pour les plus chanceux. Le changement de calibre, plus plat, permet aussi au modèle de ne plus avoir de fond de type "bubble back". Une version de diamètre plus réduit sera également ajoutée au catalogue pour cibler un public plus féminin.

1601 Onyx, actuellement en vente chez Veritas

En 1965, le calibre est remplacé par un 1570, bénéficiant de quelques améliorations. Cette mise à jour résulte du franc succès que le modèle connaît dès son lancement.

Pour les novices comme moi, voici un aperçu de ce que nous racontent les chiffres de la référence :

1600

En noir, c’est le petit nom du modèle. 16 = Datejust

En doré, c’est l’indication de la matière du boitier. 0 = acier

Le chiffre en violet évoque le type de lunette. 0 = Lisse ; 1 = cannelée ; 3 = Crénelée. Il y a d’autres possibilités mais elles n’ont pas forcément référencées. Par exemple, il y a la lunette striée - engine turned - qui se trouve sur des 1601. Pourquoi ? Parce que.

Comme d’hab avec les anciennes références, ne pas se fier uniquement à cela. Il y a des 1600 en or jaune.

Cinq chiffre, branchée.

Fin des années 70, Rolex introduit le calibre 3035, marquant ainsi le passage de la Datejust à la référence à cinq chiffres, 160xx. Comme nous l'avons vu dans l'article sur les Day-Date, c'est l'introduction du système Quick-Set qui caractérise ces dernières années de la décennie 70.

Ah non ! C'est le quartz qui marque la fin des années 70, pardon ! Un véritable séisme dont l'épicentre se situe dans les années 60. Mais est-ce que Rolex, vaisseau amiral de la montre de luxe abordable, va céder à l'appel des sirènes ?

Carrément, oui. Et en grande pompe ! Avec l'introduction en 1976 d'une Datejust et d'une Day-Date qui fonctionnent à la pile. Un mouvement qui a mis 5 ans à être conçu.

Rolex a produit cette montre, l'Oysterquartz, pendant 25 ans. Environ 25 000 exemplaires ont été fabriqués, ce qui, toutes proportions gardées, en fait un modèle rare. Il a été interrompu en 2001 et retiré du catalogue en 2003. Je ferai un petit récapitulatif de l'Oysterquartz parce qu'il y a plein de choses intéressantes à savoir sur cette période sombre pour l'horlogerie mécanique. C'est aussi la première Rolex à avoir rejoint ma collection.

C’est également la fin des cadrans en forme de « pie pan » qui accompagnent les références à cinq chiffres. Les cadrans deviennent plats et le resteront.

Une jolie référence 16013 de chez Veritas

En 1988, Rolex change une fois de plus de mouvement avec le 3135. Pas de révolution, mais simplement un mouvement plus fiable. C'est l'époque des références à cinq chiffres en 162xx. En accompagnement du changement de calibre, le verre acrylique est remplacé par un verre en saphir. Il est plus résistant, surtout face aux rayures.

Gros poignets, gros portefeuilles, grosses montres

Bon, et là c’est le moment où ça ne m’intéresse plus, mais histoire d’aller jusqu’au bout…

En 2009 arrive la Datejust II. Comme le demandent les années 2000, il faut que les montres soient plus voyantes et plus imposantes pour que l'on puisse mieux voir que tu portes une Rolex. Les parfaits 36mm qui ont habillé les poignets de tant de générations sont proposés à la vente à côté des 41mm de la Datejust II (1163xx). Comble du comble, elle est présentée uniquement sur bracelet Oyster. La version 36mm, elle, reste proposée avec deux options : Jubilé ou Oyster.

Le monde n’ayant pas encore complètement perdu la raison, le modèle Datejust II sera arrêté après quelques années de production. C’est en 2016 que des boîtiers de 41mm seront à nouveau présentés sous l’appellation “Datejust”. Mais tu sais, c’est pas vraiment une Datejust.

Hors de question de vous mettre une image d’une Datejust II. Voici une ghost dial à la place.

Aujourd’hui, il existe trois versions de la Datejust au catalogue en 31mm, 36mm et 41mm.

En fin de compte, en écrivant cet historique, je me rends compte que c’est un peu redondant avec celui que j’avais fait sur la Day-Date. C'est logique car c’est le même boîtier et la même marque. Néanmoins, je reste persuadé que cela pourrait être utile à quelqu’un.

Il n’y a que les cons qui ne changent pas d’avis

Pour revenir sur mon commentaire en début d’article, j'en ai finalement acheté une. La collection de montres est bien évidemment faite de rendez-vous. En étant tombé amoureux de la Day-Date, je m'étais mis dans la tête que la Datejust n'était qu'une distraction.

Le maître mot de ma collection a toujours été « soit tu achètes la vraie, soit tu n'achètes rien du tout ». Le fait d'acheter une Datejust alors que je voulais sa grande sœur compliquée me semblait absurde. Mais finalement, mes amis de chez Veritas m’ont proposé une variante à laquelle je n’ai pas pu dire non.

Il s’agit d’une 16234G et elle est sublime.

Autant vous dire que rien ne me prédestinait à acheter cette montre. C’est une référence à cinq chiffres (je n’aime pas les cinq chiffres) et c’est une montre avec des diamants (beurk). Mais bon, je reviens sur la notion de rendez-vous, on s’est rencontrées, elle et moi (son prix), quand tout à coup : boum. Coup de foudre.

Peut-être qu'au final, dans deux ans, je l'aurai échangée pour une Day-Date. Mais je ne la vois plus comme une distraction, mais plutôt comme une marche entre deux.

Pour finir, je dirais que parler de « La Datejust » est un raccourci grossier. Au final, il y a tellement de possibilités de configurations. Il y en a forcément une pour vous.

La plus « commune », synonyme d’icône.

La plus extravagante : or, diamants, onyx dial et j’en passe. Toutes, témoins de la versatilité de Rolex.

Pour les plus pointus : la 5030, les ghost, les slate dial, etc.

En fin de compte, vous n'êtes qu'à un rendez-vous de votre Datejust. Tout comme moi.

Sources : Bob’s watches; Rolex; Bespoke Unit; Millenary watches

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