Mais qu'est-ce qui te prouve ça ?
Nous y sommes ! Voilà la seconde partie de mon interview avec Alice Veil. Comme teasé dans la première partie - d’ailleurs je vous invite à la lire si vous ne l’avez pas encore lue - cette fois-ci, on parle de tocantes. Enfin !
Petit rappel : Alice Veil est une modèle pin-up/vintage d’origine suisse. Lors de la première partie, nous avons fait un tour de son activité, du pourquoi, mais aussi du comment. Nous attaquons donc la partie montre de l’entretien :
C'est quoi, les montres pour toi? Ça représente quoi ?
« C'est une question difficile parce que, moi, je n'ai pas un attachement super fort aux montres. J'en ai quelques-unes et j'aime bien parce que je trouve que ça ajoute une touche d'élégance. Il y a un côté classe clairement. Mais je n’ai pas personnellement un attachement particulier. Peut-être qu'il y a une espèce de symbole sociétal, de rang social. Personnellement, si je porte une montre, ce n'est pas une question de rang social ou pas, c'est parce que je trouve ça joli, élégant et aussi par le côté pratique. Pour moi, la montre, c'est un accessoire, un bijou totalement unique. »
Pourquoi les montres attirent-elles moins les femmes* selon toi ?
« Mais qu'est-ce qui te prouve ça ? Ce n’est pas parce qu'elles [les femmes*] sont moins présentes dans ces communautés qu'elles n'existent pas. Déjà, je ne connais pas très bien le milieu des montres, donc je ne peux pas te dire « oui, les femmes sont moins présentes là dedans parce que … ».
_Non, mais c’est sur, je ne dis pas qu’elles sont inexistantes, mais justes sous-représentées… Quasiment invisibles.
_Moi, j'ai envie de faire un parallèle avec un milieu que je connais et que j'aime bien. C'est le milieu de la bière. Je suis très souvent seule en tant que femme et il n’y en a pas des masses qui arrivent au fil des années. Mais est-ce que pour autant que l’on peut dire que les femmes n'ont pas d'intérêt pour la bière? Non, je ne pense pas, mais je pense que probablement qu’elles sont moins présentes physiquement, moins visibles dans ces communautés-là. Et pour moi, c'est plutôt ça la question pourquoi sont-elles moins visibles dans ces communautés-là? »
Sa réponse me prend de court. Au final, elle a raison, moi-même je connais des femmes* qui aiment ça, mais qui ne sont pas forcement présentes dans les groupes de discussion ou sur les réseaux sociaux.
Du coup, cela voudrait dire que c’est aussi de notre faute, notre manque d’inclusivité. Le côté "boys club only » de la collection de montres pourrait rebuter les femmes* à entrer dans la danse. Je trouve ça intéressant car je n’avais jamais pensé à ça comme ça.
« Je n’en sais rien, mais je pense qu’y'en a plus que ce qu'on croit et qu'elles sont vraiment juste pas visibles, comme dans les communautés des amateurs de bière comme dans les communautés e-sports. Tu vois, j'en fais beaucoup partie. Il y a plein de femmes qui jouent à des jeux vidéo et même en compétitif, mais qui sont juste pas visibles. Tu vois, c'est parce que pour moi, c'est plutôt, ça. C'est qu'elles ne sont pas visibles. Ce n’est pas qu'elles ne sont pas là ou qu'elles sont moins attirées. Mais je pense qu'il y a la difficulté pour une femme de se mettre en avant dans une communauté qui est déjà très masculine. Débarquer et dire « bah voilà, moi, ça m'intéresse aussi. », tu as la peur de te faire rembarrer, de paraître comme n’étant pas légitime dans ta passion. Tu vois ça un peu le genre de chasse gardée, quoi?»
Après cette conversation qui a radicalement changé ma façon d’aborder la notion des femmes* dans le domaine qui nous intéresse, je reviens sur le côté vintage. Le lien commun entre nos deux passions.
Toi qui aimes le vintage, pourquoi ne pas avoir une vieille montre au poignet ?
« Déjà, parce que j'imagine que c'est très cher et très fragile. C'est pour moi un truc qui est presque trop précieux dans le sens où je ne saurais pas en prendre soin correctement et du coup, je préfère avoir quelque chose qui soit une reproduction. Dans ma vie de tous les jours, je ne porte pas forcément des montres. J'aurais plus tendance à essayer de me trouver un joli bracelet plutôt qu'une montre. Je ne sais pas pourquoi. C'est parce que dans ma vie de tous les jours, c'est comme ça. Je me dis que ça doit être un truc de fou [d’avoir des vieilles montres]. Tu vois toi tu as des endroits pour les entreposer de ce que j'ai compris. Tu m'avais montré une vitrine, non? Une vitrine que tu voulais ou qui te faisait envie. Et du coup, moi, je me dis « c'est beaucoup d’investissement » tu vois. C'est un investissement dans une passion. Moi, j'aime le vintage, mais pas je n'ai pas la passion de l'entretien. J'ai la passion de la chose en elle-même, que je trouve jolie, esthétique, mais pas d'entretenir des objets, puis de les faire perdurer dans le temps ou de la restauration, etc. Ça, ce n’est pas mon job.»
De là, je lui présente plusieurs pièces de ma collection, seulement du vintage. Je ne lui parle pas de valeur, ni rien d’autre qui pourrait biaiser sa façon de choisir.
Dans la boite on trouve :
_Rolex OysterQuartz 17000
_Tudor Submariner 7928
_Enicar Super-Divette
_Omega Speedmaster (c.1985-90)
_Breitling Top Time 2003
_Omega seamaster 120m Quartz (Jacques Mayol)
_Jeager-LeCoultre Reverso Classique
_Movado Calendoscope
_Universal Genève Polerouter (équipée du 138SS Bumper)
_Junghans
_Breitling Old Navitimer II
_Titus Calypsomatic
Je lui demande d’en choisir plusieurs, ses préférées. Bon, le souci, c’est qu’elle me dit qu’en fait elle n’aime que les montres sur bracelets cuir. Je lui dis de ne pas faire attention à ça, car tout peut être changé en un clin d’oeil. Mais ça va clairement influencer ses choix.
Son premier choix se porte donc sur la Top Time 2003.
La montre est de petit diamètre, boite plaquée or (dans son jus) et elle est montée sur cuir. Elle me dit qu’elle la trouve élégante. En même temps, on est en plein dans ses années de prédilection (50-60’s).
On reste pour moi dans les stéréotypes des montres qui peuvent aller aux femmes*. Mais je trouve que c’est intéressant pour la suite. Car mon but ultime est de lui mettre de la grosse plongeuse de 40mm ou du chrono de 42mm sur le poignet pour montrer qu’esthétiquement il n’y a pas de problème à porter des grosses montres sur des poignets fins. Tout comme porter des montres à petit diamètre sur des poignets plus imposants. Tout ça n’est qu’une question d’équilibre pour moi. Mais je reviendrais sur ce sujet dans un autre article.
Deuxième choix : La Movado. Plus classique, mais avec des proportions similaires. Ensuite, Alice porte son intérêt sur la Polerouter, mais « il faudrait lui mettre un bracelet cuir » Oui, on aura compris ça. Mais on s’approche des tocantes plus « pour les bonshommes ».
Finalement, je lui demande de porter quelques montres qui ne l’attiraient pas au premier abord. Mais une fois sur son poignet, elle a concédé que ça avait de la gueule quand même.
Pour finir avec cet entretien, je dirais que ça a été plein de surprises. Moins banal que ce à quoi je m’attendais. Ses réactions face aux montres et à mes questions ont un petit peu changé ma façon de voir ma passion. Malgré le fait qu’elle ne partage pas la même que la mienne. Juste en vivant différemment sa passion, elle transforme un petit peu ma façon de la vivre pour le mieux.